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L'art du questionnement, un chemin vers soi, vers l'autre, le monde

L'art du questionnement, un chemin vers soi, vers l'autre, le monde

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L’art du questionnement
Une posture et un chemin vers soi, vers l’autre, le monde  


En ces temps troublés, nos habitudes et nos certitudes ont volé sur l’autel de la crise dite sanitaire, nous sommes sortis de notre confort, nous avons dû réinventer nos quotidiens, trouver de nouvelles ressources … remodeler notre espace intérieur et notre rapport aux autres. Dans une telle période, l'art du questionnement peut nous aider à surmonter nos difficultés.


Perplexité, sidération, stupeur, effroi, peur, anxiété, agitation, frustration, colère, doutes, remises en question, lassitude, fatigue, épuisement, soumission, acceptation : la palette des émotions nous envahit et déborde dans notre quotidien bouleversé, chamboulé .
A quoi sommes-nous confrontés ? Que ressentons-nous ? Que vivons-nous ? Que comprenons-nous ? Quelles sont nos perspectives ?  Et si poser des questions, en suspendant un temps nos jugements, ouvrait l’espace en soi, accroissait notre capacité de présence, élargissait notre vision et nous permettait de mieux écouter …la magie du monde et l’aider à se réparer … Questionner, se questionner répond à un besoin fondamental de l’être humain, en qualité d’être pensant avec une conscience réflexive : comprendre qui je suis ? comprendre le monde, le sens de la vie, de ma vie, comprendre l’autre …  Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre !  

Quoi de plus confortable que de poser des questions qui nous arrangent et dont les réponses nous conviennent ?
Nous n’avons pas reçu d’enseignement pour apprendre à questionner. Interrogés pendant toute notre scolarité, nous nous vivons comme sommés de donner « la » bonne réponse . Et s’il n’y avait pas de bonne réponse, au sens de réponse qui ne se discute pas et qui s’impose comme vérité, et si au contraire, il y avait un chemin à dessiner via le questionnement, comme autant de questions égrenées sur le chemin du retour à soi …Les freins et les empêchements au questionnement sont nombreux : la peur de ne pas paraître intelligent, de ne pas oser une question pertinente, chercher à valider sa vision du monde, croire que poser une question est un aveu de faiblesse, le manque de centrage, l’absence de curiosité, le fait de penser qu’on a la solution pour l’autre, la peur de la réponse … 

Poser une question devient un acte audacieux, ambitieux, profond : oser s’aventurer vers ce que nous ne savons pas et qui git dans le creuset de la nuit et demande peut-être à s’éclairer pour advenir. C’est en quelque sorte renoncer à la volonté de contrôle qui s’agite en chacun de nous et bien souvent n’est que la manifestation de nos peurs enfouies depuis la nuit des temps, et accepter de devenir vulnérable en faisant ce pas dans et vers l’inconnu. Questionner, c’est s’étonner. Ne pas s’enfermer dans des automatismes, des opinions toutes faites, des préjugés, des cases et des boites au sein desquelles une hâte se produit pour y enfermer l’autre, le circonscrire, lui couper les ailes de singularité.  

Dans la filiation de la maïeutique socratique, questionner est une pratique qui fait grandir, croître, qui éduque en apprenant à trouver la réponse la plus juste, au sens d’ajustée dans et à une situation à un moment donné.  
L’art du questionnement est cette capacité à poser des questions aidantes, utiles, élargissantes, approfondissantes, ouvertes et orientées avec un objectif, comme un fil conducteur.
Le champ des questions est vaste : philosophique, ontologique, métaphysique, pragmatique, résolutif, stratégique, créatif, récréatif, joueur, ludique, exploratoire …  

Les registres de questionnement peuvent être structurés en référence à la typologie jungienne :

  • Factuel / Observations : Que se passe-t-il ? Que s’est-il passé ? Quels sont les faits ? Recenser, vérifier les faits, poser le décor, étaler le contexte, l’histoire, recueillir de l’information, tangible, concrète, fiable

  • Émotionnel / Introspection : Qu’est-ce que je ressens ? Comment je me sens ? Quelles sont mes émotions, mes sentiments ? Que m’indiquent-ils ? Quelles sont mes valeurs ? En quoi suis-je touché et comment cela m’affecte ? Eclairer ce qui se trame dans la subjectivité, ce qui se joue en mon fort intérieur et qui colore ma perception de la situation et qui entraine le jeu des réactions, en prendre conscience permet de traiter l’affect qui se dit dans la charge émotionnelle et gagner une neutralité bienveillante à l’égard de soi-même et de l’autre

  • Analytique / Investigation : Pourquoi ? quelles sont les causes, les effets, les avantages, les inconvénients, les conséquences ?  / se passe ? Comprendre les causes, la logique à l’œuvre, établir les enchaînements cause-effet,i dentifier les bifurcations, objectiver les sorties de route

  • Imagination / Exploration : Quel est le sens de ce que je vis ? Que se passerait-il si ? Quels seraient les impacts si …? Quels sont les risques ? Quelles hypothèses à ce qui s’est passé ? Quels sont les rêves ? Et si …

Stimuler le nouveau, renverser la perspective, inventer, créer, s’autoriser, ouvrir le champ des possibles et la sortie des sentiers battus et rebattus  

Qui ? Pose le problème des acteurs
Peut-on ? Pose la question de la permission, de la capacité, de la possibilité
Faut-il ? Pose la question du devoir, de l’obligation
Pourquoi ? Renvoie aux causes et aux fins
Comment ? Renvoie aux modalités, aux moyens,aux conditions, aux critères
Quand ? Renvoie à la question du temps, de la temporalité
Jusqu’où ? Pose le problème des limites

Pratiquer l’art du questionnement requiert une posture spécifique d’ouverture, une attitude d’accueil, une présence à soi, à l’autre, une écoute profonde qui vibre et résonne grâce aux cordes de nos sensibilités quand notre mental enfin se tait et fait silence, 
une vigilance sur les interprétations rapides, les préjugés, les projections inhérentes à toute relation, les jugements qui ne manquent pas de se précipiter en cohorte souvent vagissante et envahissante … 

Les bénéfices de l’art du questionnement dans les relations sont d’encourager le dialogue, de favoriser des prises de consciences, de prendre du recul par rapport à une situation, de susciter la créativité, d’apaiser les tensions, d’impliquer et pousser à agir. Il permet de trouver des nouvelles voies, de dessiner des nouveaux horizons, de découvrir d’autres visions, de renouveler sa compréhension de soi de l’autre, c’est un chemin d’altérité.  

Accepter l’incongru, s’émerveiller de l’étranger, considérer le bizarre comme réjouissant, se laisser déranger, surprendre,  s’enrichir de la différence, dépasser les antagonismes et les contradictions, accroître sa capacité de discernement et donc de liberté dans ses choix , tels sont  les cadeaux du questionnement .

Prendre le risque de la réponse quelle qu’elle soit !  

Concluons par cette citation attribuée à Albert Einstein : « Si j’avais une heure pour résoudre un problème dont ma vie dépendait, je passerai les 55 premières minutes à chercher la meilleure question à me poser, et lorsque je l’aurai trouvée, il me suffirait de 5 minutes pour y répondre »

Article publié dans Émile magazine, hiver 2021